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Atelier écriture


Quand j'ai découvert qu'un café de La Ricamarie avait comme pseudonyme 'l'auberge des musiciens' pendant la guerre, au détour d'un livre très sérieux sur la solidarité dont furent capables nos concitoyens, je me suis dit : Jamais entendu parler. Pourtant cette maison a bien existé sous un autre nom pendant l'Occupation et servit de relais pour ceux qui pouvaient emmener des personnes se cacher au Chambon-sur-Lignon. Parlez-en aux Ricamandois, ils l'ignorent. Mais comme me confia un jour une jeune habitante de l'époque dont les parents firent ce qu'ils avaient à faire dans un autre café : Si j'avais su la moindre chose à mon âge, la police n'aurait pas mis cinq minutes à me faire parler. Donc, rien n'était dit. Rien ou presque ne le fut ensuite. Les gens avaient fait leur devoir. Ce ne sont que les confidences de Léon Poliakov et le travail d'un historien, Jacques Semelin, qui permirent de me le faire découvrir… à cent mètres de chez moi.

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Mon père, émigré italien, a immigré en France en 1947. Dans un train bondé de jeunes italiens ayant signé un contrat de travail là-bas chez eux, ils étaient débarqués dans les gares au hasard depuis Lyon jusqu'à la vallée de l'Ondaine. Mon père, lui, découvrit la Ricamarie. Deux ans plus tard sa femme le rejoint. Je suppose que ma langue maternelle fut l'italien puisque mes parents ne connaissaient aucun mot de français. Encore aujourd'hui je me demande comment ils ont réussi à comprendre et parler la langue d'ici. Comme tant d'autres... Mais ils continuaient à nous parler à nous leurs enfants dans leur langue. Là où l'on habitait à Caintin, il y avait des familles de nationalités différentes : des Polonais, des Espagnols, des Grecs mais aussi des Français. Sur les rares photos de cette époque, on peut les voir lors de fêtes, de repas pris en commun, et on peut deviner à travers leurs visages souriants combien ils étaient heureux malgré le déracinement parce qu'ils étaient ensemble, Ils formaient une communauté, se comprenaient on ne sait par quel miracle. Plus tard, nous avons déménager dans un HLM tout neuf. Comme un arrachement à l'enfance pour nous les enfants et comme un peu plus d'intégration pour les adultes. Là nous retrouvions les mêmes nationalités différentes et plus tard sont arrivés les Algériens, Marocains, Tunisiens. Une autre sorte de communauté prit naissance : celle des mineurs. Ils travaillaient ensemble, solidaires face au danger permanent. Aujourd'hui tout a changé... Plus d'épicerie et de laitier en charrette tirée par un cheval, plus de vogue et de foire en septembre, plus de Tour de France cycliste traversant la ville... Mais un super marché Casino, autrefois Rallye, à l'endroit où je suis née... Quelle pagaille le jour de l'inauguration de ce « monstre », tueur de petits commerces ! Et j'ai grandi, devenue adulte je me suis un peu éloignée dans une autre vallée proche. Puis je suis revenue, non pas à la Ricamarie, mais jamais trop loin...

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A la médiathèque : une jeune fille me demande en chuchotant : - "vous n'auriez pas un livre de Gandhi ? on cherche " En fait , je voudrais lire tout ce que je n'ai pas lu à l'école" sa voix s'affermit " on m' a dit que je devrais lire de la philosophie , que cela me ferait du bien" Elle me montre ce qu'elle a choisi au rayon philo. Je lui dis que "l'initiation à la méthode philosophique" de Karl jaspers risque d'être compliquée et elle me demande si je n'aurais pas autre chose à lui conseiller. Je lui propose "l'homme révolté" de Camus entre littérature et philosophie. Elle me remercie et en partant se retourne pour me demander " excusez-moi , si il y a quelque chose que je ne comprends pas , je pourrai revenir pour qu'on en parle ?"

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Je n'ai jamais vécu à La Ricamarie. Mais je connais la commune parce que j'ai joué au handball pendant plus d'une vingtaine d'années dans le club de l'Amicale Laïque. J'y ai toujours gardé quelques contacts, même si je me suis un peu éloigné du club. J'ai renoué plus précisément les liens avec la ville quand un jour que je cherchais des documents pour un devoir que ma fille ainée, alors en histoire des arts, devait présenter lors de son cursus. Roland Roche, chanteur stéphanois et qui a fait beaucoup pour la culture à La Ricamarie, m'avait dit « vas donc à la Médiathèque de La Ric, tu trouveras tout ce qu'il te faut. C'est la meilleure médiathèque de la Loire »… Dont acte. C'est ainsi que j'ai pris ma carte d'abonnement et par la suite intégré l'atelier d'écriture. Roland Roche me ramène à une anecdote concernant la ville. Mon père était alors directeur du Centre Culturel. C'était au début des années 70 et les locaux du Centre Culturel se trouvaient situés dans des bureaux sous le gymnase Youri Gagarine et s'appelait de fait « Centre Culturel Youri Gagarine ». Mon père nous a raconté qu'un jour ils ont reçu une lettre ainsi libellée : « Monsieur Youri Gagarine – La Ricamarie ». L'enveloppe est restée longtemps punaisée sur la porte de son bureau… Comme quoi, Baïkonour n'est pas si loin.

Je me souviens des premières fois où je me déplaçais de St Etienne à La Ricamarie pour voir des expositions faites à la médiathèque, car c'était loin. Je me souviens de l'envie d'échanger à propos de la Ricamarie avec les jeunes de l'esplanade. Je me souviens des premiers jours d'atelier avec les enfants du petit prince. Je me souviens des après-midi silencieuses et ensoleillées de l'atelier à La Ricamarie. Je me souviens du jour où j'ai mangé au kebab à coté de l'arrêt Nadella, où j'avais oublié mon porte-monnaie et sans me connaître, gentiment, on m'a dit de passer un autre jour pour payer mon assiette.

............................................................................................................................... Mon père est né à la Ricamarie et n 'a jamais passé aucune frontière. Il n'a jamais parlé l'espagnol à la maison et j'ai mis longtemps à comprendre que c 'était par souci éternel d 'intégration qu'il m'avait privé de l'opportunité d 'être naturellement bilingue. Dans les années Giscard il voulut refaire sa carte d'identité qui venait de se périmer. On le lui refusa au commissariat de police local. Les règles avaient changées et on l' envoya au service de l'immigration. Je me souviens l'avoir accompagné, j 'étais petite , et il faisait un temps de merde. Il expliqua que les archives avaient sûrement brûlées pendant la guerre civile et qu' il n'aurait pas ce papier concernant ses parents. Il était triste en rentrant et on n' entendit plus parler de cette carte d'identité. Mai 81, Mitterrand gagne la présidence. Dans les semaines qui suivirent mon père reprit sa vieille carte d'identité, se rendit au commissariat local et en obtint une nouveĺle. Voilà à quoi tient l 'identité.

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Je vois dans les rues de La Ricamarie, avec mes yeux d'étrangère, un monument en face de la mairie . Mon attention est toujours attirée par les monuments. Qui mérite un monument ? Pour quelles raisons une personne est-elle immortalisée ? Généralement, dans mon pays, l'Argentine, Les personnages représentés ont un port altier, ils exhibent leur beau costume, ils ont la coiffure impeccable bien qu'ils soient à cheval et appellent à la bataille. Leur est vêtement sans tache et sans reprise. Mais ce monument de La Ricamarie est différent. L'homme représenté a une longue barbe , il ne porte pas de chemise , son pantalon est retroussé. C'est clairement un travailleur et , avec la lampe qu'il porte à la ceinture, on peut deviner qu'il est de ceux qui naufragèrent dans l'obscurité du sous-sol pour produire l'énergie du pays à la surface. En recherchant, on peut trouver son nom et qu'il sut organiser ses compagnons afin qu'ils ne soient pas traités comme des machines, remplaçables à chaque fois qu'ils perdent la santé à cause de leurs conditions de travail.

Après des années d'études, de luttes le Centre Educatif et Coopératif a enfin ouvert ses portes presque à la campagne. Une médiathèque municipale qui prolonge et enrichit le CDI du Collège va pouvoir accueillir la population ricamandoise dans sa diversité. Les collégiens, les parents,les lecteurs, les sportifs vont s'y croiser,se rencontrer, échanger dans ce lieu multiculturel. Patatras! Les subventions de fonctionnement n'arrivent pas. Les personnels de statuts différents ont des difficultés à coopérer. Les fidèles lecteurs regrettent leur bibliothèque de centre ville et sont moins assidus. Les cloisons supprimées ont fait place à des frontières invisibles. Les élus réfléchissent à la construction d'une grande médiathèque en plein coeur de la ville: réunions, projets d'architectes, demandent de subventions. Pour l'Etat pas d'urgence: il reporte d'année en année l'attribution financière nécessaire à la mise en chantier. Les élus porteurs du projet s'inquiètent, réclament, mobilisent la population qui finit par les croire incapables. Quand,enfin, les subventions arrivent c'est une autre équipe municipale qui a été élue et peut ainsi s'attribuer la paternité de ce nouvel équipement. ....................................................................................................................................................... Une fois la vente signée ,il nous fallait préparer les lieux pour faire réaliser des travaux par les artisans dans cette ancienne et petite demeure ricamandoise nous avions faire rétablir l'électricité , sommaire et obsolète, provisoirement cela était suffisant, il fallu enlever tous les ajouts inadaptés installés par les habitants précédents, au rez de chaussée un fourneau percé était le seul mobilier, d'abord on ôta les planches clouées sommairement servant de doublage; en cette fin novembre il faisait sombre, la poussière nous obligeait à travailler porte et fenêtre ouverte, la baladeuse, au centre d'un halo de poussière ,dont nous étions comme des fantômes, attirait la curiosité des passants du quartier habitués à voir cette maison fermée depuis plusieurs années,certains s'arrêtaient pour voir l'état du lieu, l'un d'entre eux adepte du bistrot voisin avançait sa tête avec un air étonné et fataliste et de sa voix usée nous lançait à chaque fois qu'il passait« Eh bé y a du boulot !! »le jour ou le bistrot disparut, les travaux étaient finis !

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C'est mercredi à la médiathèque. Des lecteurs s'arrêtent devant les nouveautés , d'autres circulent en se penchant vers l'enfant qu'ils tiennent par la main ; Catherine me présente une femme qu'elle appelle par son prénom. En robe, la soixantaine, bien coiffée, elle accompagne une petit fille qui accepte l'arrêt forcé en se balançant un peu . Nous avons la même maladie. Nous sommes allées plusieurs fois dans le même service de l'hôpital Nord.Nous avons toutes les deux des doutes sur ces diagnostics et ces protocoles décidés à partir d'une série de chiffres. Je la regarde. Elle a de beaux yeux noirs, un peu maquillés. Elle ne fait pas malade, je me dis que moi non plus. Reste que j'ai une peur comme un trou un creuset qui pour l'instant produit plutôt de l'énergie mais menace tout de même . Ailleurs nous nous serions dit tu, je sais qu'elle s'est battue contre les licenciements à Lejaby, mais là je n'ose pas. Nous conservons un vous de dames.Les gens autour de nous cherchent et trouvent des livres. Je me gorge de cette vie

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Hier, j'ai fait la connaissance de Rosana Cassataro, puis visité son exposition à la médiathèque de La Ricamarie. Un travail qui me touche. Un travail de peinture et de recouvrement des mots. Ce que les mots recouverts de peinture recouvrent tient aux atrocités de la dictature militaire en Argentine. Des couches de peinture qui font disparaître des mots qui parlent des gens disparus. Des mots et des couches de peinture qui disent l'absence. Des recouvrements qui signent l'absence de ces gens jetés des avions après avoir été torturés. En sortant de l'exposition, il faisait déjà nuit. La médiatèque était fermée, mais à l'intérieur, des gens travaillaient dans un atelier d'écriture, des gens posaient des mots sur du papier, des mots qui ne seraient pas recouverts. Des mots qui a priori ne disaient pas les morts ou les disparus. Avant de reprendre la route, j'ai traversé la rue pour faire provision de fruits. J'ai acheté des dattes en branches, « deglet nour » en arabe, qui signifie « dattes douces » . Et une galette tunisienne, à la viande, aux oignons, et « non piquante » parce que « lorsqu'elles sont piquantes, c'est très fort ». Et trois bananes. Et puis aussi deux pommes rouges, très brillantes. J'ai taquiné l'épicier à propos du brillant des pommes. Il m'a raconté qu'elles étaient lustrées à la machine. L'humain invente des machines pour lustrer les pommes comme les bottes des militaires. Parfois Il jette aussi des gens du haut des avions. J'avais trois heures de route. J'ai mangé la galette, une des bananes, une poignées de dattes et les deux pommes.

Cela ne fait pas longtemps que j'ai découvert une boulangerie fushia éclatante qui propose une sorte de sandwichs fins, très raffinés, un délice, avec des petits morceaux de poulet, de la laitue et de la mayonnaise. Ils sont de cette sorte de nourriture que l'on sait être fabriquée avec maîtrise. Trois fois dans ma vie, je me souviens d'avoir mangé quelque chose cuisiné par des mains qui font du bien. Alors j'ai pris la décision d'y retourner. Une des dernières fois, me sentant un peu habituée, je me suis permis de dire, au lieu de le signaler avec le doigt : « s'il vous plaît je voudrais un sandwich ». Le monsieur m'a regardé sérieusement et au moment de lui payer, il m'a répliqué : « oui, un sandwich. » A ce moment-là j'ai compris, et j'ai lu leur vrai nom sur la vitrine : « batbout » ou quelque chose comme ça que je ne sais même pas prononcer ; Ce n'est pas un sandwich. Le monsieur n'a pas voulu me corriger par politesse, mais j'ai ressenti qu'il été mal à l'aise. Et je me suis sentie bête. La boulangerie est en plein centre de La Ricamarie, j'y vais et je ne prête même pas assez d'attention. Pour quoi, alors que je suis par ici depuis 16 ans, je ne connais pas encore plus de mots et d'habitudes des immigrants arabes, quand il y a tellement de bonnes choses à apprendre ?

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Je suis stéphanois, donc La Ric, ce n'est pas le Pérou. Pourtant j'y ai trouvé une petite madeleine, un jour. J'avais presque quarante ans, je venais de revenir dans la Loire. Parfois je traversais la ville. Pour éviter le centre j'empruntais un itinéraire un peu tortueux. Un jour, au détour d'une rue, un éclair. Je me revoyais trente ans plus tôt, aidant mon père à faire un relevé (ou levé) topographique sur un terrain en pente où il allait construire une villa. J'aimais bien l'accompagner le jeudi matin, jour où nous n'avions pas école et je lui servais de grouillot pour porter le matériel et tenir les mires aux endroits qu'il me désignait. Qu'est-ce qui provoqua ce retour du souvenir ? Un angle du porche donnant sur le terrain ? L'éclairage d'un moment particulier ? Un projet d'achat immobilier ? Je n'en ai aucune idée. Est-ce alors ce souvenir qui nous fit bientôt acheter une maison et vivre ici plus de vingt ans ? La Ric avait son côté nostalgique.

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Dénonce ta cochonne, c'est ce qu'aurait pu clamer ce jeune papy nouvellement résident dans la maison de retraite « La Récamiére » dont la moyenne d'âge était bien supérieure au sien.Sa prestance a donné un regain de jeunesse et de désir charnel à une résidente qui la nuit venue frappait à sa porte en habit d'Eve. Malgré l'insistance, l'acharnement de cette effrontée, la porte ne s'ouvrit pas. Cette friponne glisse dans sa serrure un petit mot accompagné de débris d'allumettes.Et voilà notre beau papy barricadé dans sa chambre, la porte est bloquée.Branle bas de combat, il faut détériorer la porte et la remplacer. La nouvelle porte étant de couleur différente confirmait à tous qu'un incident s'était produit. Notre papy voulut qu'on lui repeigne cette porte rapidement pour effacer cette mésaventure peu ordinaire qui, il faut le dire l'avait passablement mis dans l'embarras et profondément ébranlé

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Automne 2003, aux alentours de 18h - Invitée à participer à un « Vendredi de la gare », exposition éphémère -un vendredi soir-, animé par un groupe de photographes que je qualifie alors de « stéphanois » … Jamais dépassé St-Étienne, et encore, furtivement. Direction Firminy m'a-t-on dit… sortir à la Ricamarie, traverser, puis suivre « la gare ». Il pleuviote, l'ambiance est grise, la rue principale est sombre… presque déserte… Quelques silhouettes, des femmes en foulard, pas d'hommes, pas d'enfants… j'ai le sentiment d'avoir été transportée de l'autre côté de la Méditerranée… le soleil en moins… J'ai… presque peur… Que suis-je venue faire, ici, à 150 km de chez moi, pour une soirée ?… Je trouve la gare… Là, à l'étage, une bande de photographes -hommes- m'accueille, le pastis a l'air de couler à flot depuis quelques heures déjà, l'exposition est magnifique, l'ambiance chaleureuse… C'était mon baptême ricamandois ! Quelques années plus tard, les hasards de la vie me conduisent à habiter Firminy, à fréquenter la Ricamarie, sa Médiathèque, le marché… et j'adore cette ville qui sent la menthe et la coriandre !

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Un mercredi lors d'une résidence, on confectionnait notre objet sur le thème des grigris. Un groupe de jeunes de 16 -17 ans c’est approché de la table pour demander ce que nous faisions et quand on a dit qu’on fabriquait des grigris un jeune était intéressé, mais les autres ce sont moqués de lui . Il s’est quand même assis pour faire son grigri . On lui a demandé ce qu’il voulait faire et il a dit une poupée .


Les événements
Lugares/
endroits


 

 

La résidence de Sandra SANSEVERINO

s'est achevée en décembre 2019

Les trois cahiers

de son catalogue

sont prêts, présentant les 3 dimensions

de la résidence : artistique, culturelle et internationale.

Nous vous donnons rendez-Vous

après le confinement pour les découvrir.

 

 

archives

Médiathèque Jules Verne

Place Raspail

42150 LA RICAMARIE

Tel : 04-77-57-66-04

catherine.herbertz@ville-la-ricamarie.fr 

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